Un pas

Le portail est fermé. R. est absent. À l’ouest, l’orage gronde, il semble encore loin. Le champ voisin est là, planté de pommiers avec sa planéité parfaite jusqu’au surgissement du relief Pyrénéen. J’y entre, il y a comme une invite à y rester, un peu décontenancé par l’absence d’un rituel que ne sera pas pratiqué cette semaine : celui de l’apéro. Quelques gouttes de pluie tombent, je reste dessous. Ce pas de côté rompt quelque chose. Aucune conversation à tenir. L’attente ou plutôt ce temps vide — à perdre ? — se mue en contemplation d’un paysage pourtant quotidien : rester devant, se tourner vers, alors que je le longe tous les jours sur la route parallèle. Rien d’exotique ici. Pourtant, tout peut se commuer en étrangeté pour peu que la routine perceptive se brise et que se lèvent les filtres sensoriels : voir et surtout écouter. Écouter.

J’entre dans ce que je crois être le silence alors que l’orage se précise : un éclair zèbre le ciel gris pommelé au dessus de la ligne de crête. Craquement sec du tonnerre. Brise qui se lève comme issue du souffle de la détonation. Une pomme minuscule — les arbres sont presque tous morts de soif—, tombe sur le sol en un bruit mat. Comment qualifier un son ? Souvent par les apports de champs lexicaux appartenant à d’autres sens : la vue, le toucher ; comme des synesthésies présentes dans la langue elle-même.